Pêche au Saumon

A - Audrey Isaac
L - Lyman Larocque

 

A - À quel âge te souviens-tu avoir été à la pêche au saumon pour aider ton père ou ton grand-père?
L - Je dirais que j’avais environ 15 ans. Mon père était guide à Grande Rivière. En ce temps-là, il y avait beaucoup de saumons pour les pêcheurs sportifs de saumon. Ils pouvaient pêcher 2 saumons. À chaque fois qu’il revenait à la maison, une fois par mois, il ramenait peut-être deux saumons de 10 livres. Alors on les nettoyait.
A - Est-ce que tu te souviens si les Autochtones avaient le droit de pêcher?
L - On avait pas le droit de pêcher, non.
A - Est-ce que tu te souviens quand cela a changé?
L - Ça changé aux alentours des années 1972 ou 1973, quelque chose du genre. Ça commencé quand les gardes-pêche ont commencé à venir où on mettait nos filets à l’eau. En fait, c’est le Chef qui a été le premier, lui et sa femme ont été les premiers à mettre des filets à l’eau juste ici aux « backing ».
L - À Wounded Knee.
A - C’est là qu’est Wounded Knee? C’est là que le Chef a pris position?
L - Oui, c’est là qu’il a pris position pour défendre nos droits de pêche au saumon.
A - Et maintenant, c’est là que tout le monde pêche?
L - Maintenant, c’est notre endroit principal. Nous avons 5 endroits où on pêche. Par exemple, il y a (1:36 inaudible), il y a au Luke’s Landing, il y a (1:40 inaudible), il y a Wounded Knee, il y a Condo’s Point par là. Nous avons 4 ou 5 endroits où les gens peuvent aller pêcher. Mais je dirais qu’un mille en haut de la baie, c’est enlevé parce que nous avons une entente avec le gouvernement.
A - Avez-vous des gardiens?
L - Non, nous en avons deux qui travaillent pour les gardes-pêche fédéraux, mais on n’a pas de personne locale qui travaille pour eux.
A - Listuguj a ses gardiens?
L - Listuguj a des gardiens, ici on n’en a pas.
A - OK. Alors tu te souviens à 15 ans, avec qui es-tu allé la première fois?
L - Je n’ai pas commencé à pêcher le saumon à ce temps-là. J’allais avec mon père et on rapportait le saumon à l’endroit où il était guide de pêche. C’est moi qui les étripais et qui les nettoyait. On pouvait pas tous les manger parce que (2:37 inaudible).
A - En fait, c’est le saumon rose qu’on peut manger.
L - C’est le saumon qui brille.
A - Ils l’appellent le saumon qui brille. Pourquoi on ne mange pas le saumon noir?
L - En fait, il y a beaucoup de monde qui aiment le saumon noir.
A - Ils aiment ça?
L - Ils aiment ça. Les aînés comme mon grand-père, ils avaient l’habitude de les pêcher au harpon. Ils les harponnaient pour les attraper. Je pense que ça se passait à environ deux milles d’ici, il y avait une aire où ils retenaient les saumons. À l’automne, ils extrayaient les œufs des saumons. Alors mon père et les autres, ils apportaient les saumons en haut de la rivière ici et ils relâchaient les saumons qui n’avaient plus d’œufs. Je me souviens que mon père utilisait une lanterne avec des réflecteurs qu’il posait dans l’eau pour ensuite harponner les saumons.
A - Le soir. Quand tu dis « extraire les œufs » que veux-tu dire exactement?
L - Extraire les œufs, il y avait un saumon qui pondait ses œufs, mais il l’aidait. Les autochtones avaient l’habitude de se rendre là-bas, les gens y allaient et ils aidaient les saumons parce que ça prend un mâle et une femelle pour rendre les œufs fertiles.
A - Alors quel âge avais-tu quand tu es allé la première fois sur un canot?
L - Pour la pêche au saumon, j’ai seulement commencé durant les années 70.
A - OK, les années 70?
L - Oui, le début des années 70.
A - Est-ce que c’était durant la nuit que tu posais tes filets dans l’eau?
L - Un peu après cela, on s’installait sur l’eau la nuit. Quand c’était la pleine lune ou quelque chose, pas nécessairement la pleine lune, mais quand la marée commençait à monter, on allait et on s’installait sur l’eau. Habituellement, en avant, mais on s’installait près du chenal, parce que si tu t’installes dans le chenal, le courant est trop fort. Près du chenal, c’est par là que les saumons arrivent, ils utilisent le chenal, je dirais quand la marée est basse. Quand c’est les marées de la pleine lune, ils arrivent de partout avec les grandes marées. C’est plus près des rivages par contre.
A - Alors c’était le moment de faire des bonnes prises?
L - Bien, quand nous avons commencé au début, on était peut-être une dizaine, une douzaine d’entre nous qui pêchaient en même temps. On n’avait pas beaucoup de filet en ce temps-là? On était chanceux si on avait deux filets au total parce qu’il n’y avait pas beaucoup de monde qui pêchait.
A - Parce que les gens n’étaient pas autorisés? Ensuite, c’était quelque chose de nouveau et vous deviez découvrir ce qu’il fallait faire pour pêcher?
L - On n’était pas autorisé, non. Parce qu’on devait se battre, pas se battre physiquement, mais il fallait argumenter et parler au gouvernement et dire aux gens qui surveillaient les saumons qu’on avait l’autorisation de pêcher.
A - Alors tu avais ton filet à la maison et il y a une manière pour le poser à l’eau?
L - Quand on a commencé on ne savait pas vraiment quoi faire avec nos filets. On a demandé, il y a des gens à Red Bank qui pêchaient et à d’autres endroits. Je pense qu’on a demandé à quelqu’un là-bas de nous dire comment poser un filet à l’eau, parce qu’il faut savoir le mailler et la ligne supérieure, la ligne du filet, le flotteur et dans ce temps-là, il a fallu apprendre avec cela.
A - Alors quand le filet est prêt, je suis certaine que vous ne le pliez pas simplement pour le transporter?
L - Non! Il y a un temps, on fabriquait une boîte pour transporter juste un filet ou quelque chose avec des poignées des deux côtés et on utilisait ça pour transporter nos filets et après ça les amener jusqu’au bateau.
A - Ensuite quand vous commencez à poser les filets dans l’eau, il faut des flotteurs pour qu’ils restent en place?
L - On utilisait des blocs en ciment comme lest. La ligne du filet devait descendre et je dirais qu’on utilisait trois blocs en ciment, probablement trois autres au milieu et ensuite trois autres aux extrémités.
A - En t’écoutant parler, j’essaie d’imaginer de quoi ça l’air. J’ai l’impression que ça ressemble à un filet de volleyball?
L - Oui, ça ressemble beaucoup à ça.
A - Alors, les saumons se font prendre?
L - Habituellement, c’est ça qui est excitant. Quand tu peux les voir et se faire prendre dans le filet, il y a des saumons qui ne vont pas au filet. Il faut leur faire peur pour qu’ils y aillent. Il y a des gars qui vont se promener en bateau autour des saumons ou en zigzaguant, alors si les saumons sont prêts du filet, il y a des chances pour qu’ils se prennent dans le filet.
A - Alors, est-ce que tu restes dans ton bateau et près de tes filets toute la soirée?
L - Non.
A - Tu y retournes au matin?
L - La semaine où nous avons commencé à pêcher, on avait un vieil autobus d’école où on demeurait. Un vieil autobus où on demeurait pour la nuit, on jouait aux cartes. La manière qu’on a commencé, on avait une entente entre les pêcheurs qui disait qu’on allait pas examiner nos filets la nuit parce que tu pouvais frapper un filet et ça s’était déjà produit. Ça fait qu’on pouvait seulement y aller le jour parce que si tu y allais le soir, tu pouvais frapper le filet de quelqu’un et l’endommager. Alors on y allait vers 7 heures le soir et le matin, mais ça a changé avec les années. Après un certain temps, les gens ont commencé à aller seul sur l’eau et même à y aller le soir.
A - Est-ce qu’ils étaient plus prudents ou?
L - Juste un petit peu plus prudent parce qu’on a conclu une entente avec le gouvernement, ça nous donnait un peu plus que ce qu’on avait avant. Tu pouvais enlever tes marqueurs parce que quand on a commencé, t’étais pas autorisé à cacher ton filet parce que là, personne pouvait les voir.
A - Alors tu vas inspecter tes filets et quand il y a un saumon, comment sais-tu qu’il y en a un? Est-ce que le filet monte à la surface ou est-ce qu’il descend plus profondément?
L - S’il se prend récemment, ça va le faire mais s’il est pris depuis un bout de temps, il meurt rapidement. C’est par les branchies qu’on le pogne et c’est pour ça qu’il ne vit pas longtemps avant de mourir.
A - Des fois, vous devez le frapper pour le tuer?
L - Des fois, il faut faire ça quand on leur fait peur et qu’ils se prennent dans le filet. S’il n’est pas pris, on a un bout de bois et on le frappe à la tête.
A - Alors tu inspectes ton filet et tu montes le filet à la surface s’il y en a un, tu le montes à bord de ton bateau?
L - Bien, si tu y vas à un certain temps et que tu vois que ta ligne supérieure est plus élevée et si elle est plus enfoncée dans l’eau à une place, alors c’est un bon signe parce qu’il y a eu un saumon là. Si c’est une ligne droite mais qu’elle a un petit creux, c’est un bon signe, ça nous dit qu’il y a un saumon là. Il y a beaucoup de saletés qui vient de la rivière et la saleté sort le jour, durant le jours, c’est beaucoup des algues qui se prennent dans le filet. Ce n’est pas facile, surtout en ce moment.
A - Quand tu attrapes du saumon, est-ce que tu le nettoies sur la berge ou à la maison?
L - Non, tous les pêcheurs les nettoient à la maison. Il y a un temps où on le faisait aux deux endroits. Quand j’ai commencé au début, je le faisais là parce qu’il y avait beaucoup d’eau et tu avais tout ce dont tu avais besoin et c’était plus facile de les nettoyer.
A - Et les mouettes sont toujours là, et elles ne te suivent pas à la maison. Quand tu nettoies le saumon aujourd’hui, comment le fais-tu?
L - Habituellement, tu commences au trou du ventre?
A - La section du nombril?
L - Oui et tu coupes en montant. Il y a comme une ligne que tu peux voir. Il y a une ligne que tu peux voir….
A - Jusqu’à la tête.
L - Jusqu’à la tête et tu coupes les branchies.
A - Tu arraches tout?
L - Tu arraches tout, oui. Sur l’épine dorsale, il y a du sang qui est toujours là. Tu passes ton couteau et tu peux presque arracher ça avec tes mains.
A - C’est comme une veine alors?
L - C’est sur le dos du saumon.
A - Est-ce que tu gratte les écailles?
L - Oui, ce n’est pas difficile et les conditions pour faire ça sont pas mal bonnes quand il y a de l’eau autour.
A - Et après, tu les congèles?
L - Moi et mon garçon, on a un rituel à propos du premier saumon qu’on capture. On le cuit et ensuite tu captures le premier, tu le nettoies, tu le coupes et tu le donne à ceux qui sont autour. Il donne le premier à ses grands-parents et on partage notre premier saumon.
A - C’est fantastique, la première capture.
L - C’est toujours ce que nous faisons avec la première capture. Et pour une raison ou une autre, quand j’ai commencé au début, j’avais l’habitude de toujours donner tous mes saumons, à mes amis, à ma parenté et à d’autres. C’était la bonne chose à faire, surtout après toutes ces années où on avait pas pu pêcher le saumon.
A - Ensuite, je suppose que tu dois avoir à nettoyer tes filets?
L - Oui. En ce temps-là, on avait seulement un filet, parfois deux, ils coûtaient chers dans ce temps-là. C’est pas grand-chose à faire parce que normalement, il y a toujours deux gars qui pêchent. Ça nous prend à peu près une heure et c’est fait. Il y a des temps de l’année, comme au début juin, c’est le meilleur temps parce que l’eau coule vite et la saleté reste à la surface. On a déjà pêché, des fois, on a déjà pêché jusqu’au mois de juillet. Vers la fin juin, la saleté a commencé à arriver par la baie. Tu pouvais nettoyer ton filet et retourner à l’eau et tu devais recommencer de nouveau à le nettoyer. Ça te donne une idée à quel point c’était mauvais. Ils disaient que la saleté venait du moulin ici.
A - Imagine ce qu’il doit y avoir dans les poissons que nous mangeons?
L - Ils ne mangent pas ça. Ils doivent traverser ça. Quand les saumons arrivent dans l’eau douce, ils cessent de manger. Ils montent la rivière pour faire ce qu’ils ont à faire.
A - Ils cherchent à atteindre leurs zones de frai?
L - Le seul moment qu’ils mangent, c’est la semaine après le frai, ils commencent à se nourrir aux environs du mois de décembre.
A - Et est-ce qu’il faut que tu prépares ton bateau?
L - Oh oui. En ce moment, nous pêcherons cette année et mon bateau est complètement prêt. On est déjà allé pêcher de la truite.
A - Le même bateau?
L - J’utilise le même bateau.
A - Qu’est-ce que tu fais pour préparer ton bateau?
L - Le préparer? Bien, habituellement, j’avais (inaudible to 13:10 13:11) J’avais un bateau en aluminium. Maintenant, j’en ai construit un en bois, un qui est aussi bon que n’importe quel autre bateau, environ 16 pieds de long. Le haut du bateau mesure environ 4 à 5 pieds de largeur et tout le monde sait, j’ai appris comment faire un bateau pour la pêche au saumon.
A - Bien, à tous les printemps, est-ce que tu dois faire cela?
L - Habituellement, s’il est bien recouvert, tu es prêt et tu n’as pas besoin de pelleter la neige pour le récupérer. Ma femme et moi, on a sorti notre bateau de la neige afin de le préparer et d’être prêts, le peinturer et le sabler. S’il y avait des réparations à faire, c’est à ce moment-là qu’on les ferait. Si tu commences l’année de la bonne manière, tu veux que ton bateau soit en bonnes conditions parce que quand c’est comme ça, tu es prêt.
A - Est-ce que tu connais des histoires que les aînés avaient l’habitude de raconter pour savoir s’il y aurait beaucoup de saumons au cours de l’année?
L - Au cours des années 70, il y avait beaucoup de saumons. On se posait pas de questions sur le nombre de saumons qu’il y aurait, il y avait beaucoup de saumons. Même mon père quand il pêchait à Grande Rivière, quand il mangeait là-bas, il ne disait jamais si ça allait être une bonne ou une mauvaise année. Ils étaient toujours plus ou moins optimiste en disant que ça allait être une bonne saison. Je suis certain que durant les années 60 et 50, il y avait beaucoup de saumons. Il n’y avait pas de pénurie de saumons.
A - Qu’est-ce que tu penses qui cause le manque de saumons? La pêche au saumon?
L - Je ne le sais pas du tout. Ça peut être la surpêche, au niveau national, peut-être international. On essaye juste de pêcher, on a des accords et maintenant on pêche seulement depuis quelques années et c’est seulement 14 jours par année. C’est juste ce temps-là qu’on pêche.
A - Qu’est-ce qui attend l’avenir des familles?
L - L’avenir des familles oui. Et parce qu’on a compris les mesures de conservation, mes parents m’ont enseigné tout ce que je sais et je l’enseigne à mes enfants. Je pense que la pêche, la chasse et la cueillette de bleuets, c’est la manière autochtone.

You are missing some Flash content that should appear here! Perhaps your browser cannot display it, or maybe it did not initialise correctly. The free flash player can be downloaded at the adobe website.

Communautés: 
Gesgapegiag
Auteur: 
Audrey Isaac
Lyman parle de la pêche au saumon au filet à Gesgapegiag.

Recherche guidée

Cliquez sur un terme pour lancer une recherche.

Saisons

Communities

Type de contenu

Keywords