Chasse aux Oies

A - Audrey Isaac
F - Fern Mallett

F –Je me rappelle quand j’avais 6 ans, mon grand-père, Dan Condo, vivait pas loin de la route principale. Juste avant l’école, mon grand-père me disait d’aller m’asseoir sur le perron dehors pour écouter s’il y avait des oies. Il me disait de venir le chercher quand elles seraient près de la maison. Quand elles passaient tout près, je courrais lui dire : « Elles sont ici! ». Ils se dépêchaient alors de sortir avec une carabine pour les tirer. Les oies volaient parfois tellement bas que je crois que si j’avais été sur le toit de la maison, j’aurais pu en attraper une.                                                                       
F – La première fois que je suis allé à la chasse aux oies avec lui, je ne savais pas ce qu’il allait faire et quand j’ai entendu un coup de fusil, j’ai fait un saut! Mais après un certain temps, je me suis habitué. 
A – C’est à 6 ans que tu as vécu ta première chasse aux oies? 
F – Oui. 
A – Raconte-moi quand tu as commencé à chasser l’oie au Nord. 
F – C’est un ami qui m’a présenté à un homme venant du nord. Il m’a invité chez-lui pour chasser l’oie. C’était la première fois que j’allais chasser dans une autre communauté que la mienne. Eli était avec nous. Il nous filmait pendant la chasse. 
Une volée d’oies s’est approchée lorsque nous étions sur les berges. Alors nous nous sommes étendus sur le dos sur la berge. Les oies volaient tellement près de nous que nous aurions pu les attraper au vol avec nos mains si nous l’avions voulu. Alors, nous avons attendu pour qu’elles se posent sur l’eau. Un d’entre nous a bougé et les oies, au lieu de s’arrêter, ont repris de l’altitude et elles se sont envolées. Alors juste comme ça, notre chasse était terminée. 
A – Alors, vous devez rester immobile et ne pas faire un seul bruit? 
F – Pas un seul bruit; vous devez être très patient. Je crois que c’est une façon de trouver la patience au-dedans de soi. Il faut rester immobile. Tu peux attendre pendant des heures. Si tu les vois arriver, tu peux être certain que les oies te voient aussi. Par contre, elles vont éventuellement se poser. 
La première fois que je suis allé à la chasse aux oies, c’était avec mes amis. On était sur les berges. Comme c’était la première fois, je ne connaissais rien à propos de cette chasse. J’étais donc sur la berge avec un large sourire au visage. Je pouvais apercevoir les oies. Quand les oiseaux m’ont vu, elles se sont envolées. Tout le monde m’a regardé et ils se sont mis à rire de moi. J’ai dit : « Quoi? Quoi? » et un d’entre eux m’a demandé : « Est-ce que tu as déjà chassé les oies auparavant? ». J’ai répondu : « Non. C’est ma première fois ». Ils se sont tous mis à rire de moi. Ils n’étaient pas fâchés envers moi. Ensuite un de gars est venu me voir pour me dire que la chasse aux oies est très particulière et qu’il faut toujours faire très attention. Il m’a expliqué qu’il faut toujours être invisible. Il m’a enseigné une bonne leçon, cette journée-là. 
Une autre fois, je suis allé à la chasse aux oies où les chasseurs utilisaient un chien, un chien blanc. Lorsque les oies ont vu le chien, elles s’approchaient. Ça leur prenait environ 15 minutes pour s’approcher des berges parce qu’elles étaient vraiment loin. Quand les oies étaient près de nous, on se levait pour les tirer. (Le chien pointe l’endroit où se trouvent les oies et il aide aussi à les trouver après qu’elles ont été tuées).  
A – Ça leur a pris entre 15 et 20 minutes pour s’approcher de vous? À quelle distance étaient-elles? 
F – Probablement ¼ de mille. 
A – Vraiment? Elles peuvent voir le chien? 
F – Elles ont une très bonne vision. J’ai oublié de mentionner ça tout à l’heure. 
Un autre détail est important. Quand les oies volent en « V », l’oie qui est en avant est vraiment musclée. Si vous tuez cette oie, vous allez avoir de la viande très dure. C’est le chef du groupe. 
Si vous tirez pendant qu’elles volent en « V », les plombs rebondiront parce que les plumes constituent une excellente protection pour les oies. Quand elles volent contre le vent, leurs plumes sont ébouriffées et cela leur permet de bénéficier d’un effet d’armure. Lorsqu’elles nous dépassent et que les vents sont de dos, les plombs peuvent les atteindre parce qu’elles ne bénéficient plus de l’effet d’armure. 
A – Leur plumage est si épais que cela avec l’effet du vent? 
F – Il est tellement épais que tu ne peux pas les tuer à moins de les atteindre directement à la tête. Si tu les tires au corps, tu n’as aucune chance. 
A – Wow! 
F – Si tu les atteins de dos, alors le plomb pénètrera. 
A – À quel temps de l’année vas-tu chasser au nord? 
F – Les deux premières semaines de mai. 
A – Ça dure combien de temps? 
F – Seulement deux semaines. Toute la communauté y participe, ce qui comprend les familles, les femmes et les enfants. Les Aînés y sont également. Chacun possède sa section pour chasser. Les membres d’une famille sont tous ensemble : oncles, tantes, frères et sœurs. Ils sont tous dans le même secteur. 
A – Quand tu étais là, est-ce que ça te donnait l’impression que c’était une communauté qui enseignait à une autre communauté ses traditions? 
F – Oui. 
A – Est-ce qu’il y en a parmi eux qui viennent ici pour que vous leur enseigniez comment pratiquer la pêche au saumon? 
F- Plusieurs d’entre eux viennent pêcher sur la rivière avec nous. Nous leur montrons comment pêcher le saumon et comment poser leur filet dans l’eau. Là-bas, ils pêchent le doré jaune. C’est du très bon poisson. L’eau est différente. Ici, nous avons de gros cours d’eau. Eux, ils pêchent dans de petits lacs ou de petites rivières. L’eau est très sombre, presque noire. 
A – Différent? Mais le doré jaune est un bon poisson. Est-ce que c’est gros comme la truite? 
F – Très bon! Ils peuvent atteindre jusqu’à 5 livres, mais en général ils pèsent entre 2 et 3 livres. 
A – Est-ce que tu observes la pratique d’offrir du tabac? 
F – J’offre toujours du tabac avant de chasser, pour obtenir des prises abondantes et pour ma protection. Lorsque je capture quelque chose, j’offre du tabac à l’animal qui a donné sa vie pour que notre famille ait de la nourriture. 
A – Est-ce que c’est mal vu de tuer un animal pour le plaisir du sport? 
F – Prendre la vie d’un animal pour le plaisir du sport, pour moi, c’est manquer de respect envers l’animal. Je connais bien des gens qui tuent pour le plaisir de tuer un animal. Disons tuer un original pour son panache. Ils prennent le panache et ils abandonnent la carcasse. C’est très irrespectueux. 
A – Alors si tu ne le manges pas… 
F – ne prend pas sa vie! 
A – Tu ne le tues pas. Donc, si tu chasses, c’est pour nourrir ta famille. Quelle sorte de fusil utilises-tu quand tu chasses l’oie. 
F – Un calibre 12. 
A – Tu disais qu’au nord, ce sont les femmes qui nettoient les oies. 
F – Quand tu apportes ton gibier à la maison, tu l’apportes au campement. Les femmes et les filles s’en occupent et elles en prennent soins pendant les jours dure de la chasse. Tu peux parfois rester au campement pendant 2 ou 3 jours avant d’apporter les animaux à la maison. Au nord, la neige reste plus longtemps au sol que chez-nous, alors ils recouvrent les oiseaux morts de neige. Les ailes servent aussi pour les protéger et ils les laissent ainsi. 
A – Est-ce que la viande n’est pas brûlée par le froid? 
F – Elle n’est pas brûlée par le froid. 
A – Quel est le meilleur temps de la journée pour chasser l’oie?
F – Je dirais tôt le matin au moment où le soleil se lève. Tu commences vers 6 heures du matin et tu reviens à la maison vers 10 heures. 
A – C’est une pleine journée? 
F – Tu retournes en après-midi vers 15 heures et tu y restes jusqu’au moment où la noirceur arrive. 
A – Alors pendant que tu attends et que tu es patient, est-ce que tu peux parler prudemment ou est-ce que tu ne peux pas parler du tout? 
F – Non, non, tu peux parler. Tu parles à propos de la chasse et à quel point tu as hâte de voir les oiseaux. 
Tu peux entendre les oies, mais tu ne les vois pas. Les gens du nord ont une très bonne ouïe et ils savent quand les oiseaux arrivent, quelle que soit la distance des oiseaux. Ils vous disent : « Oh! Les oiseaux arrivent! » 
A – C’est leur tradition. Tu as mentionné qu’ils utilisaient un poste de chasse, une sorte de muret qui permet de se cacher. 
F– Oui. Il est camouflé, tu t’installes derrière et tu attends. Tu peux être assis pendant une heure ou une heure et demie et si rien ne se produit, tu t’en vas à un autre lac. Il y a de nombreux lacs, alors parfois tu dois te déplacer souvent. À chaque jour, tu peux être à un endroit différent. 
A – Comment sais-tu que c’est le bon moment de tirer? 
F – Quand les oies sont très près de toi. 
A – Elles se dirigent vers toi? 
F – Oui. Je dirais à environ 10 pieds devant toi. 
A – Tu les tires directement? 
F – Oui. Tout le monde se lève et on commence à tirer dans la volée d’oies. Tu essais de les atteindre à la tête afin que les plombs n’aillent pas dans le corps de l’animal. Très souvent, les plombs atteignent le corps parce que c’est difficile à éviter. Après tout, c’est une carabine avec des plombs qui voyagent à grande vitesse. 
A – Tu as mentionné que si les plombs arrivent de face, les plombs ne peuvent pas pénétrer l’animal? 
F – C’est seulement quand les oies volent dans les airs, pas quand elles sont dans l’eau. Si les oies sont dans l’eau, tout est parfait. Pour quelque raison que ce soit, quand les oies volent, les plumes semblent coller à leur corps et les plombs ne parviennent pas à entrer dans leur corps. Ils rebondissent. 
C’est la même chose avec les canards. On tire les canards de la même manière. Parfois ils sont dans nos jambes. Quand les canards passent, ils me disent : « Tires pas! Ça ne sert à rien. Attends qu’ils passent leur chemin! » Quand ils sont passés, alors c’est BOUM! BOUM! BOUM! Voilà. 
A – Elles ont une bonne vision? 
F – Elles ont une bonne vision! N’importe quel mouvement dans le paysage et elles ne se poseront pas. Elles continueront de voler et de remonter plus haut. 
A – Tu as mentionné qu’ils utilisent un chien comme leurre? 
F – Je pense, oui. Les gens du nord disent qu’ils n’aiment pas les chiens. Ils ont des petits chiens blancs qui courent le long des berges. Les oies peuvent être à un quart de mille de distance ou même demi-mille et elles se dirigent vers les berges en caquetant en direction du chien. Si tu agites dans les airs un sac de plastique blanc, elles s’approchent vers toi. C’est peut-être la couleur blanche qui les attire, je ne sais pas. 
A – Est-ce qu’il y a d’autres façons de les leurrer? 
F – Les gens du nord connaissent la façon spéciale de les appeler. Ils l’apprennent quand ils sont jeunes. Quand ils tuent leur première oie, ils lui coupent le cou. Ils suspendent le tube de la gorge à un arbre. Ils lui rendent respect et remercient l’oie d’avoir donné sa voix. Ils préparent le tube de la gorge pour qu’ils puissent l’utiliser pour appeler l’oie. 
A – Est-ce qu’ils cuisent à la manière traditionnelle? 
F – Ils les cuisent sur une ficelle. Avant de cuire les oies, ils les laissent mariner dans le sang. Ensuite ils les attachent à une ficelle avant de les cuire pendant environ 4 heures. Ils tournent et retournent l’oie, C’est de cette manière qu’ils les cuisent. 
A – Dans un feu de camp? 
F – Oui. 
A – Y as-tu goûté? 
F – Oh! C’est délicieux! C’est quelque chose que tout le monde devait goûter. Tu apprends à aimer le goût de cet oiseau. 
A – Maintenant tu as appris une nouvelle tradition lorsque tu te rends au Nord. Est-ce une fois par année? 
F – Oui. Une fois par année. Cette année, je ne peux y aller. Je n’ai pas pris de congé. Habituellement, j’y vais à tous les printemps et je chasse l’oie en leur compagnie. 
A – C’est bon. 
F – Quand ils me téléphonent, ils me disent : « Hé, Peewee, c’est le temps ». Cette année, je n’ai pas le temps.
A – Dans un sens, tu fais un troc. Tu les invites à ta réserve et tu leurs enseignes tes traditions. 
F – Certains d’entre eux sont venus pêcher le saumon avec des filets. On les a amenés en haut de la rivière. Certains d’entre nous avons capturé des saumons avec une canne à pêche. Ils étaient très contents. 
A – C’était leur enseigner une tradition? 
F – Oui, leur enseigner notre tradition. De temps en temps, ils viennent chasser l’orignal durant la saison de chasse. Ils sont très bons pour chasser cette bête. Ils chassent beaucoup l’orignal en hiver. 
A – Est-ce qu’il y a quelque chose que tu aimerais partager avec les enfants qui écoutent quelques parts? 
F – Ce serait une bonne tradition si quelqu’un pouvait leur montrer comment faire. Ce serait aussi une bonne façon d’apprendre la patience parce que tu es assis et tu attends les oiseaux. C’est à un certain moment que tu peux te déplacer. Pour moi ce serait une façon d’apprendre la patience, de ne pas tuer d’animaux que tu ne mangeras pas. Quand tu vas à la chasse, offrir du tabac pour toi et pour l’animal, pour ta protection et pour exprimer ta reconnaissance pour la bête qui a donné sa vie pour toi.

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Communautés: 
Gesgapegiag
Auteur: 
Audrey Isaac
Fern parle de son père qui chassait l’oies à Gesgapegiag et de lui-même qui chassait l’oie dans le Nord.

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